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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Bruxelles I bis. Compétence pour des propos dénigrants publiés sur Internet.


CJUE, 21 décembre 2021, affaire C‑251/20



Gtflix Tv, qui est établie en République tchèque et qui a le centre de ses intérêts dans cet État membre, produit et diffuse, notamment au moyen de son site Internet, des contenus audiovisuels pour adultes.


DR, domicilié en Hongrie, est un réalisateur, producteur et distributeur de films du même genre qui sont commercialisés sur des sites Internet hébergés en Hongrie.


Gtflix Tv fait grief à DR d’avoir tenu des propos dénigrants à son égard, que ce dernier aurait diffusés sur plusieurs sites et forums Internet.


La société assigne DR en référé devant les juridictions françaises notamment pour le faire condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement en rectifiant et supprimant les données et obtenir le paiement, à titre provisionnel, d’un euro symbolique en réparation de son préjudice économique et d’une somme de même montant en réparation de son préjudice moral.


DR a soulevé une exception d’incompétence de la juridiction française.


Les juges du fond se déclarent incompétents en application du Règlement (UE) 1215/2012 Bruxelles I bis.


Selon le règlement de Bruxelles I bis, sont compétentes les juridicitions du domicile de défendeur, en l'espèce la Hongrie.


Mais le demandeur bénéficie d'une option de compétence en matière délictuelle.


Selon l'article 7-2 du Règlement n°1215/2012 Bruxelles I bis


Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.


La difficulté en l'espèce est que le demandeur demandait à la fois la rectification et suppression des contenus ET la réparation des préjudices. La CJUE a déjà eu l'occasion de statuer la localisation de ces demandes mais faites séparément et non pas conjointement.


La Cour de cassation saisit donc la CJUE de la question préjudicielle suivante :


« Les dispositions de l’article 7, point 2, du [règlement no 1215/2012] doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur Internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet État membre, conformément à l’arrêt du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C‑509/09 et C‑161/10, EU:C:2011:685, points 51 ainsi que 52), ou si, en application de l’arrêt du 17 octobre 2017, Bolagsupplysningen et Ilsjan (C‑194/16, EU:C:2017:766, point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ? »


Plus précisément, la Cour de cassation se demande si, compte tenu de la compétence exclusive de certaines juridictions en ce qui concerne la suppression ou rectification d’un contenu litigieux, il n’y aurait pas lieu également d’admettre la compétence exclusive de ces mêmes juridictions en ce qui concerne la réparation du préjudice subi.


Selon les conclusions de l'avocat général "il convient de relever que le simple fait que plusieurs types de demandes sont formées conjointement dans le cadre d’un seul et même acte de procédure est sans incidence sur les règles de compétence applicables à chacune de ces demandes, puisque cet acte peut être scindé au besoin. Par ailleurs, dans l’affaire au principal, il y a lieu de souligner que, même si la demanderesse a soulevé plusieurs types de demandes, la question que pose la juridiction de renvoi vise uniquement la détermination des juridictions qui devraient être considérées comme compétentes pour connaître de l’action en dommages et intérêts au titre d’un dénigrement".




La CJUE rappelle que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois le lieu de l’événement causal et celui de la matérialisation du dommage.


En l'espèce, aucun élément de l’affaire porte sur la possibilité de saisir les juridictions françaises au titre du lieu de l’événement causal. En revanche, se pose la question de savoir si ces juridictions sont compétentes au titre du lieu de la matérialisation du dommage allégué.


Selon l'analyse des décisions antérieures de la CJUE, cette dernière estime que conformément à l’article 7, point 2, du règlement n°1215/2012, une personne s’estimant lésée par la mise en ligne de données sur un site Internet pourra saisir, aux fins de la rectification de ces données et de la suppression des contenus mis en ligne, soit la juridiction du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit celle dans le ressort de laquelle se trouve le centre des intérêts de cette personne.


Elle précise cependant qu'à la différence d’une demande de rectification des données et de suppression des contenus qui est une et indivisible, une demande ayant trait à la réparation du dommage peut avoir pour objet soit une indemnisation intégrale, soit une indemnisation partielle.


Or, si le fait de ne pas pouvoir introduire une demande de rectification des données et de suppression des contenus mis en ligne devant une juridiction autre que celle compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage est justifiée au motif qu’elle est une et indivisible, il ne serait pas justifié, en revanche, d’exclure, pour le même motif, la faculté pour le demandeur de porter sa demande d’indemnisation partielle devant toute autre juridiction dans le ressort de laquelle il estime avoir subi un dommage.


Selon la CJUE L’article 7, point 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d’une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d’autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l’État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression.


Ainsi, les juridictions françaises sont incompétentes pour la demande en rectification et supression des données, mais elles sont compétentes pour la réparation partielle du préjudice subit en France.






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